Le 20 octobre est férié au Guatemala pour commémorer la révolution de 1944. Que s'est-il passé exactement il y a 66 ans et pourquoi le pays célèbre avec tant de nostalgie cet événement?
Un mouvement conjoint des étudiants et professeurs de la plus grande université du pays soutenus par les travailleurs renverse le général Ponce qui avait récemment succédé au dictateur Jorge Ubico au pouvoir depuis 32 ans. Un triumvirat est mis en place et convoque une Assemblée générale constituante afin d'organiser des élections libres, les premières du pays. Cette équipe est formée du civil Jorge Toriello et de deux militaires, preuve du soutien des élites à ce mouvement.
Le premier président démocratiquement élu du Guatemala est Juan Arévalo, un intellectuel qui vivait en exil en Argentine. Il effraie les classes dominantes qui le dépeignent comme un pantin de l'URSS. La réalité fut bien différente et sa politique de centre gauche plus réservée. Ce soulèvement du 20 octobre a permis d'amorcer ce que l'on appelle le "printemps" du Guatemala, une décennie marquée par les progrès sociaux et politiques: nouvelle constitution de 1945, création des syndicats, de l'institut de sécurité sociale, du code du travail, réformes dans les secteurs de l'éducation et la santé, construction d'infrastructures routières et portuaires...
Cette parenthèse aujourd'hui glorifiée connaît une fin malheureuse avec le coup d'Etat de 1954 (soutenu par les Etats-Unis) qui mènera le pays sur le chemin d'une guerre civile jusqu'à la fin du XXe siècle. Si le grand voisin américain n'était pas trop gêné par cette révolution de 1944 jugée plutôt "light", l'intensification de la guerre froide et l'élection de Jacobo Arbenz en 1950 changent la donne. Ce nouveau président qui se déclare socialiste commence à s'intéresser à une réforme agraire afin de répartir la terre entre ceux qui la travaillent réellement.
C'est le déclencheur de la "contre révolution" de 1954 appuyée par la CIA et le gouvernement des Etats-Unis. Le Guatemala peut alors redevenir un havre de paix pour les libéraux et les intérêts de l'United Fruit Company, l'entreprise américaine qui exploite le marché de la banane. Le colonel Castillos est placé au pouvoir et s'applique à mener une politique "anticommuniste" pour annuler les principales réformes des gouvernements précédents.
Fresque murale de Diego Rivera "Gloriosa Victoria"
exposée au Palais National du Guatemala en octobre
C'est donc avec nostalgie que les Guatémaltèques et l'Etat célèbrent cette journée révolutionnaire et l'âge d'or qui s'ensuit. Ils se rappellent de cette époque lointaine où leur pays était à l'avant-garde des progrès sociaux en Amérique latine. 36 ans de guerre civile et une violence endémique ont sapé l'optimisme de ce pays centraméricain. Les solutions à sa pauvreté et son sous-développement seraient-elles celles avancées durant cette décennie démocratique? Beaucoup de "progressistes" le pensent et voient une nouvelle révolution comme l'unique moyen de terminer avec cette oligarchie de quelques familles qui contrôlent la destinée du Guatemala.
La fresque de plus près: le pacte entre les gringos et le colonel Castillos
Le problème c'est que le mouvement social n'est pas réellement structuré et manque de soutien populaire. La révolution de 1944 fut d'ailleurs une révolution "par le haut" et la participation des travailleurs n'était pas à l'origine d'un mouvement initié par les élites de l'époque. Une révolution pour répondre aux problèmes du Guatemala? Malheureusement la population est de plus en plus sceptique et de nombreux citoyens pensent qu'un régime autoritaire serait le seul moyen de sortir le pays de l'ornière. Une dictature "mano dura" pour mater la délinquance et affronter le narcotrafic? Les élections générales auront lieu en septembre 2011 et le candidat de droite qui représente cette ligne politique paraît bien placé...
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