lundi 26 octobre 2009

IMPUNIDAD


Le Guatemala est beau pays comme vous l'avez peut-être déjà vu. Et encore je ne connais pas les plus beaux coins: le marché de Chichicastenango, la côte Caraïbes, la jungle du Petén. Mais le Guatemala, ce ne sont pas que des plages, des volcans et des jolis tissus... C'est un aussi un pays qui est sorti d'une guerre civile de plus de trente ans en 1996 (plus de 200 000 morts) et qui soigne encore ses blessures. Les problèmes sont très nombreux ici (pauvreté, famine, intégration des indiens) et l'Etat semble impuissant face au trafic de drogue et au crime organisé. L'insécurité est omniprésente et fait partie intégrante de notre vie quotidienne sur place. Comme je le disais au début, on limite les déplacements car les agressions à main armée sont malheureusement monnaie courante dans la capitale.

On ne prend pas le bus car il y a des assassinats de chauffeurs de bus presque tous les jours...

Ce n'est pas pour vous effrayer, mais l'Amérique centrale vient d'être désignée comme la région la plus violente du monde en terme d'homicides par habitants selon un rapport du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement)... Il y a en effet ici trois fois plus de morts violentes que dans le reste du monde! Au Guatemala, cela atteint les mois fastes une vingtaine de morts par jour et la majorité dans la chère capitale (principalement dans les "zones rouges" où je ne mets pas les pieds je vous rassure). Les causes sont multiples, le Guatemala n'est pas un cas isolé dans la région mais les facteurs sont issus tous réunis pour un cocktail détonnant:

- Pauvreté et inégalités: le Guatemala est un pays très pauvre mais surtout très inégal, un très faible pourcentage des habitants réunit la plupart des richesses du pays. Quelques familles puissantes issues de l'ère coloniale assurent toujours le monopole des principales industries du pays et ont un rôle important dans la politique nationale. Un pays plus pauvre de la région comme le Nicaragua est par exemple plus sûr car, comme m'a dit une Nica, "il n'y a rien à voler chez nous!". D'ailleurs ici à Guate, il y a beaucoup d'agressions dans les zones résidentielles aisées où l'argent se trouve alors que le centre et les marchés populaires me semblent plus sûrs...


- Trafic de drogues et crime organisé: le Guatemala est un point de passage privilégié sur la route de la drogue, frontalier du Mexique et pas très loin de la Colombie. Les frontières poreuses de la région et le manque de contrôle (on a dû insister pour qu'ils nous tamponnent nos passeports en revenant du Salvador) expliquent la diffusion des problèmes. Pour donner un exemple un peu folko, il y a une route qui mène au Pacifique qui sert de piste d'atterrissage pour les petites avionetas chargées de drogue, les narcos la bloquent donc parfois pendant la nuit afin de permettre un atterrissage en douceur. Autant ne pas se déplacer la nuit!


- Impunité: c'est le problème numéro 1 du Guatemala, on estime que seulement 2% des crimes sont résolus... C'est peu! L'impunité est complète et concerne tous les niveaux de la société, surtout les plus élevés. Plusieurs politiques et même d'anciens présidents sont impliqués dans des scandales multiples, des prises d'intérêt, des pots de vin... La liste est trop longue et trop déprimante pour l'évoquer! L'impunité est telle ici qu'une Commission spéciale de l'ONU a été créée en 2007 pour renforcer la justice du pays: la CICIG (Comisión Internacional Contra la Impunidad en Guatemala). Elle est dirigée par un juge espagnol très actif et respecté qui s'efforce d'avoir un impact et d'obliger le pays à se reformer.


C'est la CICIG qui est notamment responsable de l'enquête sur l'assassinat de Rodrigo Rosenberg tué en mai dernier. Ce crime avait provoqué un vrai tollé car cet avocat renommé accusait directement le président de la République et ses proches de sa mort dans une vidéo posthume: Alvaro Colom, candidat de centre gauche élu début 2007 n'est pas ressorti indemne de cette affaire et beaucoup le considèrent déjà comme un "lame duck" (président en fin de mandant dont on n'attend plus grand chose) alors qu'il n'est même pas à mi mandat! Il a perdu beaucoup de crédibilité politique et on attend toujours les résultats de l'enquête. Si les auteurs matériels ont été arrêtés il y a peu, on ne sait toujours pas qui était derrière tout ça et on se demande ici si on le saura un jour...


Autre exemple plus récent de l'impunité de ce pays: le Congrès a procédé il y a peu à l'élection des juges de la Cour Suprême. Une occasion rêvée pour changer le système et élire des juges intègres et indépendants (pour changer). Plusieurs candidats ont été signalés par la société civile et la CICIG pour corruption et liens avec les milieux du crime organisé. Des accusations très détaillées ont été déposées contre 6 d'entre eux qui ont été élus sans un problème par les députés guatémaltèques... Si le fruit est pourri de l'intérieur, difficile de garder espoir... Après une campagne d'opinion très critique (les éditorialistes ont protesté en publiant des éditos vierges avec le seul mot "injusticia"), le Congrès a fini par remplacer 3 des 6 juges critiqués. Une demi victoire donc!

Je ne vous raconte pas tout ça pour vous faire peur, j'espère que j'aurai toujours plein de visites (tu viens toujours Amaïa hein?)! Mais c'est aussi la réalité du pays dans lequel je vis aujourd'hui. Tous ces défis semblent impossibles à relever et la situation ne s'améliore pas vraiment... Mais en même temps, le dynamisme de certaines associations et ONG, la volonté des jeunes d'en terminer avec tout ça donnent un peu d'espoir et laissent penser qu'une Guate buena est possible!


D'ailleurs pour terminer sur une note plus joyeuse, le Guatemala, malgré tous ces problèmes, est l'un des pays les plus "heureux" du monde selon un classement de Happy Planet Index ! Bon je ne sais pas ce que ça vaut vraiment mais le Guatemala est quand même 4e sur 143! Alors qu'il y a 8 pays centraméricains et des Caraïbes dans les 10 premiers, la France ne pointe qu'à la 71e place... Alors heureux?

Mise à jour: Tiens même Le Monde en parle (L'Amérique centrale, région la plus violente au monde selon le PNUD). Ils ont dû faire un tour sur mon blog, c'est sûr!

mercredi 21 octobre 2009

Vaya pues, qué chivo!

Le 20 octobre c'est le jour de la révolution au Guatemala, ça commémore un événement de 1944, j'ai pas trop compris ce qu'il s'était passé mais je sais que c'est férié! J'ai donc pris mon lundi et j'en ai profité pour partir 4 jours au Salvador.

Je pars en voiture avec Philip, un franco-salvadorien rencontré dans mon cours de théâtre (j'ai commencé il y a 2 mois et l'idée est de monter une petite pièce fin novembre...). Ma coloc suédoise, Emma, est du voyage avec sa copine Kim. On traverse l'Ouest du Guatemala pour rejoindre assez rapidement la frontière et débarquer au Salvador.

Comme ce pays fait partie du CA 4 (Guatemala, El Salvador, Honduras, Nicaragua), la frontière est quasiment inexistante. On doit s'arrêter pour avoir un joli tampon sur nos passeports. C'est quand même étonnant avec tous les problèmes de trafic de drogue et de contrebande...

On arrive à la capitale, San Salvador, de nuit. Je reste chez Philip qui a une jolie maison dans un beau quartier de la ville.

Des tableaux de sa mère décorent tous les murs.

Je pars découvrir un peu la ville le lendemain. Pas facile de se déplacer dans cette ville sans voiture... C'est très américain comme pays, encore plus que le Guatemala. Il y a des centres commerciaux très modernes où tout le monde se retrouve pour acheter, manger, sortir... On prend sa voiture pour 10m et en plus la monnaie officielle est le dollar depuis 2001! Los Angeles est la deuxième ville avec le plus de Salvadoriens après la capitale! Beaucoup ont fui la guerre civile pour le géant du Nord et y sont restés, c'est un des pays les plus dépendants des fameuses remesas (envois d'argent des immigrés) qui ont permis de moderniser le pays mais dont la valeur a chuté brusquement depuis la crise.

Je vais voir des musées près de chez Philip: le musée d'anthropologie qui ne casse pas 3 pattes à un canard mais qui est assez bien fait. Ca donne une idée de la vie des quelques indigènes qui restent encore dans ce pays.

Très belle expo photo sur le Guatemala

Dans le musée d'art, je retrouve un tableau de la mère de Philip. Ca rend bien sur ces grands murs blancs!

Je rentre à pied, en prenant quand même quelques précautions...


On part le lendemain sur la Costa del Sol, une plage du Pacifique à 1h de la capitale où Philip a de la famille. C'est encore plus près de la ville qu'au Guatemala!

Arrêt au marché de poissons pour préparer un bon ceviche.

On arrive dans la maison des cousines de Philip. Oui oui c'est bien la maison avec leur jardin, la piscine et l'océan...

Il faut faire un effort pour rejoindre l'eau quand même: je vais attendre la marée haute.

Ca plane pour moi... Je me baigne, je bronze, je fais un tour à cheval, je mange enfin la belle vie quoi!

La plage est encore plus belle que celles que j'avais pu voir sur la côte du Guatemala: plus sauvage et déserte. Il y a des troncs échoués et polis par la mer tout le long de la plage, ça fera de jolis pieds de lampe non?

Merci Pascale et Nathalie pour cette journée de farniente!

Le lendemain, je décide de partir de la capitale pour voir un peu du pays et découvrir un village typique dans le Nord. Je dois passer par le centre grouillant pour choper mon bus, c'est le jour et la nuit avec les beaux quartiers occidentalisés des banlieues. Ici ça grouille de partout, chaque magasin ou stand a sa musique à fond, les bus klaxonnent, ça pue la friture et les pots d'échappement... Un centre-ville quoi!

La cathédrale


Le FMLN est l'ex parti d'extrême gauche de la guerrilla reconverti en parti de gouvernement après les accords de paix de 1992. Il vient de remporter les élections et l'homme à gauche du Che est le nouveau président: Mauricio Funes, un ancien journaliste vedette qui a mis fin à près de 20 ans de droite du parti Arena. Tout un événement pour ce petit pays qui attend beaucoup de ce nouvel homme. (Regardez le logo de Coca en dessou du Che: beau mélange!)

Je trouve mon bus et c'est donc parti pour Suchitoto!

Suchitoto est une vieille jolie coloniale très bien préservée des déboires de l'histoire (malgré la guérilla qui faisait rage dans cette région) et du tourisme de masse. Il n'y a pas un chat ici! Ma coloc me l'avait décrite comme Antigua sans touriste. Bon il y a moins d'églises, j'en ai vu qu'une sur la place principale mais c'est très mignon.

Suchitoto et ses rues animées

Je veux aller voir des chutes d'eau près du village, on me recommande d'y aller avec des policiers pour des raisons de sécurité. Je passe donc au commissariat bien tranquille et je me fais accompagner par 2 policiers locaux!


Mon escorte personnelle!

Ils ont l'habitude d'accompagner les touristes et connaissent la plupart des gens qu'on croise. C'est une balade sympa de 4 km pour parvenir aux chutes d'eau. Je discute avec la policière Daisy en chemin, après les questions traditionnelles (où vivent tes parents? tu as des frères et soeurs? elle est mariée?), elle me raconte très simplement comment elle a rejoint les rangs de la guérilla à l'âge de 11 ans après que son père ait été assassiné. Elle me dit avoir su manier depuis toute petite les armes à feu, c'étaient ses jouets à elle. Elle a passé 8 ans dans les camps de la guérilla, cachée avec ses compagnons dans les forêts de la région. Elle m'explique comment ils faisaient la cuisine et évacuer la fumée à travers des longs tuyaux à ras-le-sol pour ne pas être repérés... Ils ne pouvaient pas allumer de lampes et devaient s'efforcer de tamiser toute source de lumière. Il était bien sûr inconcevable de se déplacer à découvert et les guérilleros restaient à l'abri dans les forêts où ils planifiaient leurs attaques.

La guerre civile a duré de 1980 à 1992 et a fait 75 000 morts. Daisy avait 19 ans quand ça s'est terminé et elle s'est logiquement orientée vers la police nationale car c'est ce qu'elle savait faire. Elle me raconte que les premières années étaient difficiles car les ennemis devaient coopérer au sein des forces policières. Mais la situation se normalise et les plus jeunes n'ont pas connu directement le conflit. Daisy a maintenant 35 ans et 4 petits enfants et est en poste dans ce village où elle accompagne les touristes aux chutes d'eau du coin et leur parle de l'histoire de son pays. C'est si récent qu'on a du mal à l'imaginer...

La chute d'eau en question: los Tercios


Retour à Suchitoto


Petit tour au lac pour le coucher de soleil

Après une nuit chez l'habitant, je suis d'attaque pour mon dernier jour. J'ai fait le tour de l'horloge car il ne se passe pas grand chose à Suchitoto!



Retour en bus vers la capitale

Je retrouve mes amis puis c'est le retour au pays!

lundi 12 octobre 2009

Sur la terre des quetzales


Retour dans l'altiplano et les hauteurs ce week end pour aller à Quetzaltenango, la deuxième ville du pays plus connue sous le nom de Xela (prononcer "Sheila" comme précise le guide du routard). C'est à 3300 m d'altitude et à 4-5h de bus de la capitale. Je suis parti avec ma voisine de palier Christelle et deux nouveaux Espagnols qui viennent d'arriver à Guate et vivent également dans mon immeuble. On prend un bus un peu plus cher pour éviter d'être trop secoués dans un "chicken bus", le voyage est quand même très agité et en plus, ils mettent la clim à fond alors qu'il ne fait même pas chaud...

On arrive de nuit à Xela, la ville n'a pas l'air si grande et on se sent tout de suite plus en sécurité qu'à Guate. Ca fait même provincial pour la deuxième plus grande ville du pays. Il n'y a pas beaucoup de touristes en tout et c'est facilement plus authentique qu'Antigua. On mange un bout et on boit quelques tequilas (le Mexique n'est pas loin!) avant de rentrer dormir quand tout s'arrête à 1h: la "ley seca" s'applique dans tout le pays!

On prend un bus le lendemain matin pour rejoindre le petit village de Zunil. C'est la première fois que je monte dans un fameux "chicken bus" et c'est toute une expérience! Tout le monde s'entasse, les femmes sont presque toutes en tenue traditionnelle avec leurs huipiles colorés, leur enfant attaché dans le dos et tout leur nécessaire sur leur tête. C'est incroyable comme elles arrivent à garder leur équilibre et porter des sacs et corbeilles remplis sur leur tête sans même les tenir! Chapeau! Pas de photo car je n'ai pas osé sortir mon appareil et je n'avais pas vraiment l'espace nécessaire pour le faire de toute manière!

Petit tour dans le village de Zunil avec son église blanche impec qui jure un peu avec les bâtisses et cabanes délabrées. On visite une coopérative de textiles où des femmes vendent de superbes tissus, je fais quelques emplettes pour continuer à décorer mon appart!

On part ensuite à l'arrière d'un pick up pour rejoindre les sources de Georgina, des sources d'eau chaude au milieu de la jungle!

Oups attention à ne pas tomber!

En haut, le temps est légèrement couvert: on n'y voit pas à 5 m! Mais les sources d'eau chaude sont bien là et on est venu pour se baigner!

Christelle a tout prévu.

Les sources d'eau sulfureuse sont vraiment très chaudes, trop même. Difficile d'y rester plus que quelques minutes car ça nous "marea" rapidement. La bruine qui tombe ne nous gêne pas et nous rafraîchit un peu.

L'offrande à Georgina

Après s'être bien trempés, on rejoint Xela et on fait un tour dans le petit marché du Parque Central. Rien d'exceptionnel mais c'est agréable de déambuler dans les allées colorées et bruyantes où on trouve en vrac pas mal de nourriture, un peu d'artisanat, des comedores et une petite fête foraine.



Des prix exceptionnels à gagner!

Dimanche matin, on part de balader un peu avant de reprendre la route de Guate. On a vite fait le tour de Xela: marchés, petites églises, rues colorées et un petit tour dans le cimetière un peu décrépi.

Une cérémonie religieuse? Une manif? Non une pub pour les couches Huggies! Quand la main d'oeuvre n'est pas chère, pourquoi se priver...


Xela est une ville plutôt sympa et tranquille, je pense que je pourrai y retourner pour explorer plus les alentours et notamment grimper les volcans du coin. Tajamulco qui culmine à 4200 m est le plus haut du Guatemala et d'Amérique centrale attention!

Lequel de ces bus est un jouet?

Surprise en arrivant à Guate, il y a une coupure d'éléctricité générale, ça affecte tout le pays et ça plonge la capitale dans l'obscurité la plus totale... Pas très rassurant car on arrive dans le centre. On appelle un taxi de confiance et on rejoint notre zona viva un peu muerta... L'électricité revient une heure après, ça arrive de temps en temps ici...