Le Guatemala est beau pays comme vous l'avez peut-être déjà vu. Et encore je ne connais pas les plus beaux coins: le marché de Chichicastenango, la côte Caraïbes, la jungle du Petén. Mais le Guatemala, ce ne sont pas que des plages, des volcans et des jolis tissus... C'est un aussi un pays qui est sorti d'une guerre civile de plus de trente ans en 1996 (plus de 200 000 morts) et qui soigne encore ses blessures. Les problèmes sont très nombreux ici (pauvreté, famine, intégration des indiens) et l'Etat semble impuissant face au trafic de drogue et au crime organisé. L'insécurité est omniprésente et fait partie intégrante de notre vie quotidienne sur place. Comme je le disais au début, on limite les déplacements car les agressions à main armée sont malheureusement monnaie courante dans la capitale.
On ne prend pas le bus car il y a des assassinats de chauffeurs de bus presque tous les jours...
Ce n'est pas pour vous effrayer, mais l'Amérique centrale vient d'être désignée comme la région la plus violente du monde en terme d'homicides par habitants selon un rapport du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement)... Il y a en effet ici trois fois plus de morts violentes que dans le reste du monde! Au Guatemala, cela atteint les mois fastes une vingtaine de morts par jour et la majorité dans la chère capitale (principalement dans les "zones rouges" où je ne mets pas les pieds je vous rassure). Les causes sont multiples, le Guatemala n'est pas un cas isolé dans la région mais les facteurs sont issus tous réunis pour un cocktail détonnant:
- Pauvreté et inégalités: le Guatemala est un pays très pauvre mais surtout très inégal, un très faible pourcentage des habitants réunit la plupart des richesses du pays. Quelques familles puissantes issues de l'ère coloniale assurent toujours le monopole des principales industries du pays et ont un rôle important dans la politique nationale. Un pays plus pauvre de la région comme le Nicaragua est par exemple plus sûr car, comme m'a dit une Nica, "il n'y a rien à voler chez nous!". D'ailleurs ici à Guate, il y a beaucoup d'agressions dans les zones résidentielles aisées où l'argent se trouve alors que le centre et les marchés populaires me semblent plus sûrs...
- Trafic de drogues et crime organisé: le Guatemala est un point de passage privilégié sur la route de la drogue, frontalier du Mexique et pas très loin de la Colombie. Les frontières poreuses de la région et le manque de contrôle (on a dû insister pour qu'ils nous tamponnent nos passeports en revenant du Salvador) expliquent la diffusion des problèmes. Pour donner un exemple un peu folko, il y a une route qui mène au Pacifique qui sert de piste d'atterrissage pour les petites avionetas chargées de drogue, les narcos la bloquent donc parfois pendant la nuit afin de permettre un atterrissage en douceur. Autant ne pas se déplacer la nuit!
- Impunité: c'est le problème numéro 1 du Guatemala, on estime que seulement 2% des crimes sont résolus... C'est peu! L'impunité est complète et concerne tous les niveaux de la société, surtout les plus élevés. Plusieurs politiques et même d'anciens présidents sont impliqués dans des scandales multiples, des prises d'intérêt, des pots de vin... La liste est trop longue et trop déprimante pour l'évoquer! L'impunité est telle ici qu'une Commission spéciale de l'ONU a été créée en 2007 pour renforcer la justice du pays: la CICIG (Comisión Internacional Contra la Impunidad en Guatemala). Elle est dirigée par un juge espagnol très actif et respecté qui s'efforce d'avoir un impact et d'obliger le pays à se reformer.
C'est la CICIG qui est notamment responsable de l'enquête sur l'assassinat de Rodrigo Rosenberg tué en mai dernier. Ce crime avait provoqué un vrai tollé car cet avocat renommé accusait directement le président de la République et ses proches de sa mort dans une vidéo posthume: Alvaro Colom, candidat de centre gauche élu début 2007 n'est pas ressorti indemne de cette affaire et beaucoup le considèrent déjà comme un "lame duck" (président en fin de mandant dont on n'attend plus grand chose) alors qu'il n'est même pas à mi mandat! Il a perdu beaucoup de crédibilité politique et on attend toujours les résultats de l'enquête. Si les auteurs matériels ont été arrêtés il y a peu, on ne sait toujours pas qui était derrière tout ça et on se demande ici si on le saura un jour...
Autre exemple plus récent de l'impunité de ce pays: le Congrès a procédé il y a peu à l'élection des juges de la Cour Suprême. Une occasion rêvée pour changer le système et élire des juges intègres et indépendants (pour changer). Plusieurs candidats ont été signalés par la société civile et la CICIG pour corruption et liens avec les milieux du crime organisé. Des accusations très détaillées ont été déposées contre 6 d'entre eux qui ont été élus sans un problème par les députés guatémaltèques... Si le fruit est pourri de l'intérieur, difficile de garder espoir... Après une campagne d'opinion très critique (les éditorialistes ont protesté en publiant des éditos vierges avec le seul mot "injusticia"), le Congrès a fini par remplacer 3 des 6 juges critiqués. Une demi victoire donc!
Je ne vous raconte pas tout ça pour vous faire peur, j'espère que j'aurai toujours plein de visites (tu viens toujours Amaïa hein?)! Mais c'est aussi la réalité du pays dans lequel je vis aujourd'hui. Tous ces défis semblent impossibles à relever et la situation ne s'améliore pas vraiment... Mais en même temps, le dynamisme de certaines associations et ONG, la volonté des jeunes d'en terminer avec tout ça donnent un peu d'espoir et laissent penser qu'une Guate buena est possible!
D'ailleurs pour terminer sur une note plus joyeuse, le Guatemala, malgré tous ces problèmes, est l'un des pays les plus "heureux" du monde selon un classement de Happy Planet Index ! Bon je ne sais pas ce que ça vaut vraiment mais le Guatemala est quand même 4e sur 143! Alors qu'il y a 8 pays centraméricains et des Caraïbes dans les 10 premiers, la France ne pointe qu'à la 71e place... Alors heureux?
Mise à jour: Tiens même Le Monde en parle (L'Amérique centrale, région la plus violente au monde selon le PNUD). Ils ont dû faire un tour sur mon blog, c'est sûr!
C'est pas très gai, tout ça, j'espère que ça ne va pas décourager les éventuels visiteurs, Amaia ou d'autres, en tout cas, ils sont prévenus et j'espère que vous restez, vous, toujours prudent, car apparemment, il ne faut jamais baisser la garde. J'attends d'autre photos et d'autres infos. A bientôt.
RépondreSupprimerMartin
RépondreSupprimerTu n'as pas bcp de visites du continent africain, mais en France, on est là, fidèles à ton blog, mêmes s'il n'y a pas de commentaires.
Tu m'as reconnue ?
Gros bisous
C'est qui tous ces anonymes???
RépondreSupprimerDe la famille j'imagine? Merci pour vos commentaires et n'hésitez pas à promouvoir mon blog en Afrique!